L'Histoire de l'Aviation est composée de nombreux accomplissements que nous devons à nos aînées, qu'elles aient été pilotes professionnelles ou privées, aux commandes de tout ce qui peut voler, parachutistes, ingénieures, mécaniciennes, contrôleuses aériennes. Civiles ou militaires, les femmes ont toujours joué un rôle dans l'Aviation, rôle souvent ignoré encore de nos jours.
Pourtant, dans les chroniques aéronautiques d'il y a encore quelques décennies il n'était pas rare de trouver des articles sur les aviatrices, leurs exploits, leurs espoirs, sans pour autant que les journalistes ne prennent de ton condescendant (en général). Hélas certaines encyclopédies modernes ne parle pas des femmes pilotes, est-ce parce qu'il n'y a rien à y trouver d'exceptionnel ou parce qu'il a semblé aux rédacteurs que leur rôle était mineur? Un autre livre, consacré aux aviatrices, sorti il y a déjà quelques années semblait pourtant vouloir remettre les points sur les i en relatant les exploits d'aviatrices du siècle dernier, néanmoins malgré une richesse iconographique certaine, ce livre reste très décevant tant sur le fond que sur la forme.
En France nous avons eu
beaucoup de femmes aéronautes dés 1784 puis pilotes
d'aéroplanes et ce dés 1908 ! Thérèse
Peltier est en effet la première française à
avoir volé seule sur un aéroplane. Il existe, comme
pour les hommes, une controverse sur qui a volé en premier
dans le monde mais peu importe finalement, avant elles il y avait
eu une Irlandaise et une Américaine qui s'étaient
lancées, comme les hommes, dans la construction
d'aéroplanes, ni l'une ni l'autre n'a hélas eu de
résultat concluant. Il n'a pas fallut bien longtemps pour
qu'une femme soit brevetée, en 1910. C'était une
jeune artiste dont le nom de scène était Raymonde
de Laroche, cette jeune Parisienne, fille d'un plombier selon la
légende, est devenue en quelques années une pilote
aux compétences reconnues.
Gravement blessée en
1911, elle revole dés que les médecins l'y
autorisent, seule la Première Guerre Mondiale la stoppera.
Une association regroupant les femmes pilotes et
aéronautes existe dès 1909, c'est l'aéroclub
de la Stella créé par une aéronaute membre
de l'Aéro-club de France : Marie Surcouf. Dés 1912,
cet aéroclub est habilité à délivrer
des brevets d'aéronautes. L'association a même un
hymne et un drapeau.
Entre 1910 et 1914, dans
le monde, une quarantaine de femmes pilotes ont été
brevetées. En France (dont une Roumaine), aux Etats-Unis
(dont peut-être une Japonaise), en Russie (Empire de
Russie), en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne, en
Belgique, en Autriche-Hongrie, en Tchéquie et en Argentine
! Les âges de ces pionnières varient d'un
extrême à l'autre, certaines sont mariées et
mères, d'autres célibataires.
Un certain nombre
d'entre elles ont appris à piloter simplement par
défi... c'est un nouveau sport, d'autres volent par
vocation. C'est aussi un moyen de propagande pour divers
mouvements dont le mouvement féministe.
Ainsi Jeanne
Laloë, féministe connue à l'époque,
annonce en 1909 via la presse (Figaro entre autres) son intention
d'apprendre à piloter et de passer le brevet (aucun brevet
n'a été attribué à son nom,
impossible de dire par contre si elle a pris ou non des cours de
pilotage).
S'il y a eu d'heureux évènements
(création de la Coupe Fémina, traversée de
la Manche par Harriet Quimby), il y a aussi eu des
tragédies.
Ainsi, les deux premières femmes
victimes de l'aviation sont Denise Moore (de son vrai nom Jane
Wright veuve du docteur Denis, venue en France depuis
l'Algérie française) en 1911 et la jeune Suzanne
Bernard, âgée de 18 ans, en avril 1912 alors qu'elle
passait l'épreuve finale de son brevet. La
troisième sera Julia Clark, une jeune anglaise
émigrée aux Etats-Unis depuis peu.
La Première
Guerre Mondiale est aussi riche en vocations. Infirmières,
munitionnettes, les femmes participent à l'effort de
guerre, de préférence à l'arrière, ou
beaucoup prennent les postes abandonnés par les hommes
partis combattre.
Certaines émettent le souhait de prendre
une part active au conflit, parmi elles, des aviatrices. Les
infirmières, de quelque nationalité qu'elles
soient seront souvent amenées à subir le conflit
d'une manière ou d'une autre. Quelques rares
infirmières iront même sur le front soigner les
blessés mais aucun récit ne semble être parvenu
jusqu'à nous pour rapporter des faits de guerre accomplis
par des femmes contrairement aux conflits postérieurs
où les femmes, bien que limités à des cas
isolés, prirent les armes pour des raisons variées
(vocation patriotique, vengeance, question de survie, prendre la
place d'un frère malade, etc).
En Allemagne, au
début du conflit, une certaine Fraulein Riotte est
brevetée pilote de dirigeable par l'armée mais on
ne la laissera jamais participer activement à des missions
militaires. Au sein de l'Empire de Russie, avant 1917, plusieurs
femmes issues de la noblesse et déjà
brevetées auraient effectué des missions de
reconnaissance, après la révolution, le nom d'une
aviatrice, brevetée en Allemagne avant la guerre, revient
souvent et une jeune femme devient héroïne nationale
lorsque l'on découvre qu'elle aurait passé son
brevet de pilote militaire pendant la guerre en se faisant passer
pour un homme et qu'elle aurait été
découverte suite à une blessure.
Certains
historiens remettent ces faits en cause (tout ou partie). Le fait
est que dans toutes les guerres il y a eu des combattantes.
En France, une poignée d'aviatrices crée l'Union Patriotique des Aviatrices de France. Marie Marvingt au moins, parvint à accomplir une mission de bombardement sur une base française occupée par les Allemands. Il est fait mention de cet acte dans sa citation à la Légion d'Honneur (1933) mais, pour le moment, d'autres preuves font défaut (apparition dans le journal des Marches et Opérations du Régiment concerné par exemple).
Dés 1919, les
aviatrices françaises reprennent l'entraînement,
Jane Herveu et Elise Deroche (qui décède cette
année-là en passagère) en tête de
file.
La relève est déjà là. Adrienne
Bolland et Gabrielle Deshayes sont brevetées en 1920
tandis qu'à la même époque Andrée, la
fille du célèbre Maurice Farman, alors
âgée de quatorze ans et six mois fait ses premiers
vols seule à bord.
Les parachutistes aussi font parler
d'elles, elles sont 6 en 1921 en France à être
actives sur les meetings, leur nombre ne cesse d'augmenter.
Les
années 30 ont leurs célébrités :
Adrienne Bolland, Maryse Bastié, Léna Bernstein,
Maryse Hilsz, Hélène Boucher, Madeleine Charnaux,
et la liste est encore longue.
En 1924, Marie Surcouf
tente de redonner vie à la Stella, sans trop d'effets.
En
1929, naissent aux Etats-Unis les 99s.
En 1931, Maryse Bigeard
crée l'association des Ailes Féminines
Françaises qui réunit quelques bonnes
volontés mais semble s'être dissoute avant la
Seconde Guerre Mondiale.
Certaines
célébrités sont
éphémères, ainsi si Andrée Farman a
le droit à son heure de gloire dans la presse en 1920
c'est le tour d'une certaine Jacqueline Gey en 1939 qui elle
aussi à l'âge de quatorze ans et dix mois pilote un
avion seule à bord. Hélène Boucher est
certainement l'aviatrice qui incarne aux yeux des Français
l'idéal le plus persistant.
Cette jeune fille, issue d'un
milieu assez aisé, éduquée à Paris
dans une famille de médecins est assez charmante.
Elle est
polie, bien éduquée, très sociable et assez
modeste. Elle a un idéal : être la fierté de
l'Aviation française. Lorsqu'elle expose à ses
parents sa vocation alors qu'elle n'a qu'une vingtaine
d'années, elle leur explique qu'en France il n'y a pas
assez d'aviatrices en comparaison avec d'autres pays comme l'Allemagne
par exemple.
Elle souhaite battre des records pour la France.
C'est cet idéal qui la conduit plusieurs années de
galère plus tard à partir pour Saïgon dans son
petit Avro fatigué, trop fatigué. Le raid
s'arrête à Bagdad. De retour à Paris, la
jeune femme n'en est pas moins célèbre. Certes elle
n'a pas réussit son pari mais elle a tout de même
parcouru une bonne distance et fait preuve de beaucoup
d'acharnement, notamment face aux autorités anglaises et
françaises. Les premiers refusant de porter assistance
à une française, les second refusant de porter
assistance à une aviatrice volant sur un appareil anglais
!
Hélène Boucher a beaucoup de volonté, elle
a aussi du talent et c'est ce talent qui convaincra Caudron de
lui confier ses appareils pour accomplir courses et records. Au
sommet de sa gloire, Hélène bat en 1934 plusieurs
records de vitesse féminins mais pas seulement, elle bat
aussi un record de vitesse toutes catégories !
Elle vole
sur un appareil sensible, très sensible. Le Caudron
Rafale, un avion construit pour battre des records de vitesse.
Caudron lui demande de faire des démonstrations.
Consciencieuse, la jeune femme s'entraîne avec
assiduité. Elle vole à Guyancourt. Alors qu'elle
fait des tours de pistes, elle rencontre un problème, elle
se présente en finale et puis soudain elle décroche
et son appareil heurte violemment le sol prés d'un
bosquet. L'appareil est détruit, les témoins
arrivent le plus vite possible pour la secourir, elle respire
à peine et décédera dans l'ambulance.
Dans son récit
autobiographique, Madeleine Charnaux relate l'histoire d'une
jeune fille qu'elle connaissait un peu et qui volait en
même temps qu'elle en 1931 à Orly au Sens de l'Air
et qui avait prit place en passagère d'un jeune pilote qui
venait d'acheter un appareil tout neuf. Le pilote
inexpérimenté avait commis une erreur fatale qui
avait coûté la vie aux deux occupants de l'appareil.
Madeleine raconte que le lendemain, en voyant les restes de
l'appareil elle avait réalisé qu'en Aviation il
fallait toujours faire preuve de prudence. Heureusement, la
plupart des aviatrice, comme il en est des aviateurs, ne
mourraient pas à 18 ou 26 ans dans un accident tragique,
beaucoup sont mortes à un âge avancé comme
Adrienne Bolland par exemple.
La fin des années
30 est assez mouvementée, la course à l'armement
est accompagnée, propagande oblige, d'une course aux
records. Ainsi, aviatrices françaises, allemandes,
italiennes, soviétiques, étasuniennes etc. se
livrent un véritable combat, encore pacifique. En Union
Soviétiques, beaucoup sont déjà
incorporées dans l'armée, souvent en tant
qu'instructrices, parfois en tant que pilotes de transport.
Il
existe aussi une patrouille aérienne féminine qui
fait ses démonstrations à Touchino.
Entre 1917 et 1939,
beaucoup de femmes ingénieures furent aussi
diplômées en France.
Les premières le furent
dans des écoles auparavant réservées aux
hommes, l'une d'entre elles, Maryse Paris décide dans les
années 20 de créer une école
d'ingénieur entièrement féminine, ayant eu
à subir en tant que minorité des pressions
supplémentaires qu'elle considère comme
inacceptables et impropres à un apprentissage sain. Cette
école, l'Ecole Polytechnique Féminine (EPF), a des
débuts difficiles mais deviendra une
référence par la suite et deviendra mixte en
1994.
Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, la plupart des belligérants disposent d'un grand nombre de pilotes expérimentés, hommes et femmes. Les femmes sont mises de côté dans à peu prés tous les pays mais elles tentent tout de même leur chance, ainsi en France certaines (Maryse Bastié, Maryse Hilsz et Paulette Bray-Bouquet) parviennent à devenir convoyeuses mais c'est à titre exceptionnel et peu documenté, par la suite on retrouve pas mal d'aviatrices dans la résistance (Adrienne Bolland et Maryse Hilsz par exemple), au Royaume-Uni les femmes parviennent à faire accepter un recrutement plus conséquent de convoyeuses, ces pilotes transportent des appareils militaires désarmés des usines aux bases et des bases aux usines pour réparation, elles seront en tout prés de 200 ATA, s'inspirant de ce modèle, les Américaines après plusieurs initiatives séparées créent les WASP, ces femmes seront prés de 4000.
En Union Soviétique, certaines pilotes parviennent isolément à rejoindre des régiments de bombardement ou de chasse à divers postes (pilotes, navigatrices, mitrailleuses mais aussi mécaniciennes ou techniciennes spécialisées). Elles ne tardent pas à convaincre le haut commandement de créer des unités de pilotes de combat féminines. Ces régiments seront au nombre de trois, le 586 IAP, régiment de chasse, le 587 BAP, régiment de bombardement en piqué et le célèbre 588 NBAP, régiment de bombardement de nuit dont les pilotes qui harcèleront sans relâche les bases allemandes seront surnommées « les sorcières de la nuit » par les Allemands une fois qu'ils apprendront qu'elles sont des femmes. Ces régiments sont constitués entièrement de femmes, que ce soit les personnels navigant ou au sol.
Du côté allemand, la politique nazie empêche la femme d'être une combattante, on compte néanmoins deux femmes pilotes d'essai, l'une est la célèbre Hanna Reitsch qui est pendant un temps séduite par certaines facettes du nazisme, l'autre est Melitta Schenck von Stauffenberg, née Schiller, d'origine juive et n'est pas là de son plein grès. Son statut lui permettra de sauver les enfants de la famille von Stauffenberg. Elle aurait été abattue en 1945 par un appareil américain.
Pour en revenir à
la France, en septembre 1944, le gouvernement provisoire autorise
la formation d'un régiment féminin
expérimental constitué de 13 aviatrices ayant
déjà fait leur preuves. Ces pilotes font leurs
classes puis suivent différents cursus, deux d'entre
elles sont même brevetées pilote de chasse sur
Dewoitine D520 mais n'accompliront pas de missions de combat.
Lorsque le ministre Charles Tillon, initiateur de cette
expérience, quitte le gouvernement en 1946,
l'Armée de l'Air met fin à l'expérience.
Dans le même temps les IPSA ont recommencé à
voler et rapatrient des milliers de travailleurs et prisonniers
envoyés en Allemagne. Ces mêmes convoyeuses de la
Croix Rouge avaient étés clouées au sol au
début du conflit, infirmières, pilotes,
parachutistes, elles sont formées pour intervenir dans des
situations extrêmes.
Alors que la France était
occupée, certaines pilotes IPSA ont mené à
bien des missions de repérage d'appareils français
tombés pendant la Bataille de France afin de donner aux
aviateurs morts une sépulture décente.
Il faudra attendre
plusieurs décennies pour que les IPSA ayant une formation
au sein de l'armée soient reconnues en tant que militaires
à part entière. Cela ne les empêche pas de
s'illustrer au cours des guerres d'Indochine et d'Algérie.
Au cours de ces conflits débute la longue
carrière de Valérie André dont les deux
passions sont la médecine et l'Aviation.
Médecin,
parachutiste, pilote d'hélicoptère, elle sera, bien
plus tard, la première française à
accéder au grade de général.
En 1946, une
certaine Jacqueline Auriol passe son brevet de pilote. Son mari
s'appelle Vincent Auriol, c'est le fils du président de la
République. Jacqueline Auriol est une pilote talentueuse.
Elle ne s'était pas intéressé plus que
ça à l'aviation avant-guerre mais cette passion
tardive la pousse à se dépasser, elle devient
officiellement la première Française pilote
d'essai, elle passe le mur du son et entretient une
rivalité sportive avec l'Etasunienne Jacqueline
Cochran.
Nous sommes
déjà dans les années 60... En 1966 pour la
première fois, une femme, la soviétique Galina
Kortschuganova décroche le titre de championne du monde de
voltige (catégorie féminine).
Deux ans plus tard,
c'est Madelyne Delcroix, une Française qui s'illustrera
plus tard sur planeur, qui décroche le même titre.
Plus tard il y aura d'autres championnes françaises telles que
Catherine Maunoury, Pascale Alajouanine ou Christine Génin.
Bientôt c'est
la Kazakhe Svetlana Kapanina qui avec l'équipe de voltige
russe décroche par cinq fois le titre mondial.
Dans les années
60, les femmes commencent dans plusieurs pays à se frayer
un chemin dans les lignes aériennes.
Le public les
perçoit encore assez mal et les grandes compagnies leurs
mettent des bâtons dans les roues.
L'union au niveau
national et international est donc nécessaire pour ces
femmes.
En 1971, plusieurs pilotes françaises,
professionnelles et privées, créent l'AFFP
(Association Française des Femmes Pilotes), cette
association leur permet, plusieurs années plus tard
d'ouvrir aux femmes les portes de l'ENAC (Ecole Nationale
d'Aviation Civile) et bientôt Air France recrute des
femmes.
Dans les années
80, les concours de pilotes militaires de l'Armée de l'air
française puis de l'Aéronavale et de l'Armée
de terre sont ouverts aux femmes mais beaucoup de
spécialités (pilote de chasse notamment) leur
restent interdites.
Il faut attendre la fin des années 90
pour qu'une jeune femme, Caroline Aigle reçoive en 1999
son macaron de pilote de chasse.
Elle sera suivie par d'autres
jeunes femmes dont une qui aujourd'hui est membre de la
Patrouille de France.
Pilotes privées,
pilotes de voltige, pilotes professionnelles, pilotes militaires,
ingénieures, mécaniciennes, aujourd'hui les femmes
françaises ont accès à toutes les
spécialités mais sont encore
sous-représentées.
Le manque d'information conduit
souvent encore les jeunes filles à s'orienter vers
d'autres métiers et à renoncer à leurs
rêves par peur d'obstacles qui ont déjà
étés franchis par nos aînées.
« Assurément, la compétence n'a pas de sexe, même s'il est encore des hommes – voire des femmes – pour s'en étonner », Bernard Marck, 1993